Skieurs hors-piste, amateurs de snowboard hors-piste et de randonnée hivernale, nous sommes tous concernés par la question : « y-aller ou renoncer » ?
Savoir déterminer la probabilité qu’une avalanche se déclenche dans une pente donnée, est vitale. Pour trouver une solution à cette équation, il faut étudier plusieurs facteurs : humains, topographiques, météorologiques et bien sûr, l’état de la neige, dont nous allons vous parler dans l’interview suivante. Car les tests de stabilité du manteau neigeux sont une des pièces à compléter le puzzle qu’est l’évaluation du risque d’avalanche.
Il y a plusieurs types de tests de stabilité de la neige, et tous fournissent une information sur la force nécessaire à la rupture du bloc, donc une estimation de la résistance de la couche fragile de neige.L’utilisation de tests de stabilité du manteau neigeux et l’interprétation des résultats interviennent pour une part importante dans le processus de décision. En France, habituellement, la grande majorité des accidents d’avalanche survient en plein coeur de l’hiver : décembre, janvier, février et la randonnée à skis, est exceptionnellement touchée !
Pourquoi est-il important de savoir comment faire un test de stabilité du manteau neigeux et lequel est le plus simple à apprendre, sont des questions auxquelles l’invité du Magazine Digitale Skiinfo nous répond. Clement Naegelen est Guide de Haute Montagne et habite à Servoz, à côté de Chamonix, cet endroit de pèlerinage pour les passionnés de sports d’hiver. Clement pratique ce métier né de son rêve d’adolescent depuis 2016. Il est aussi moniteur de ski alpin et bien sûr, un grand passionné de l’alpinisme.
Qui devrait savoir faire un test de stabilité du manteau neigeux ?
Toute personne évoluant en dehors des domaines sécurisés doit apprendre à faire un profil du manteau neigeux. Ces profils ont 2 intérêts : comprendre les mécanismes de déclenchement des avalanches et avoir une idée de ce que l’on peut trouver sur le terrain où on évoluera. Leurs intérêts se trouvent démultipliés dès lorsqu’on se trouve dans une zone où aucun B.E.R.A. (Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche) n’a été fait récemment. En France, ces bulletins se trouvent sur le site internet de Météo France. Ils sont aussi souvent affichés dans les stations de skis près des remontées mécaniques principales ou à proximités des points de vente de forfaits.
On trouve de nombreuses vidéos qui permettent de mieux comprendre les mécanismes de déclenchement d’avalanches (comme sur www.dataavalanche.org), mais rien de tel que de le voir de nos propres yeux. De plus, le jour où l’on évolue dans des zones où aucun BERA n’a été émis (comme très tôt ou tard en saison, ou dans de nombreux pays pas si loin de chez nous!), nous sommes capables de réaliser ces tests et avoir ainsi une idée de ce que l’on peut trouver dans le manteau neigeux.
Comment préparer sa sortie hors-piste?
Pour préparer une sortie hors-piste, aujourd’hui, nous devons être capable de faire le tableau de 3x 3. Celui-ci a été réalisé par Werner Munter au début des années 90, et il était alors utilisé avec une méthode de réduction des risques. Depuis, il a été repris et adapté pour être utilisé “seul”. Ce tableau met en évidence des ressentis et des des facteurs objectifs afin d’aider à la décision.
Vous pouvez trouver une explication complète de ce système sur le site de l’ANENA. Ci-dessous, vous pouvez le voir plus en détail. L’expliquer serait un article en soi!
Sortie hors-piste : un test de stabilité du manteau neigeux peut-il nous aider à déterminer le risque d’avalanche ?
Le test de stabilité va être un élément à prendre en compte, mais il ne peut pas à lui seul nous donner une estimation du risque d’avalanche pour un secteur donné ; en effet, ce test va être fait à un endroit précis et ne nous donnera la stabilité que … de cet endroit précis. Un léger changement d’orientation, de pente, de terrain, d’altitude, … peut suffire à en changer complètement le résultat. Il restera malgré tout un élément à prendre en compte dans nos prises de décisions.
Comment être en sécurité quand nous faisons un test de stabilité de la neige ?
C’est bien là tout le problème et les limites de ce genre d’exercice. La première chose, c’est de le faire dans une pente faible (inférieur à 25 degrés) et non surplombée ou surplombant une pente plus forte dans un périmètre le plus grand possible. Le risque y sera ainsi proche de nul. Ensuite, afin d’éviter toute propagation, il faudra le “séparer” du reste du manteau neigeux en creusant une tranchée autour de notre zone test. Ces précautions viennent alors heurter le fait que l’on voudrait le faire sur une zone représentative de la zone dans laquelle nous allons évoluer, mais il ne serait pas sage pour autant de se mettre en danger … pour savoir s’il s’agit d’une zone dangereuse.
Quelle technique serait la plus pratique et la plus facile à apprendre par les skieurs amateurs?
Le plus simple reste d’utiliser sa pelle à neige comme seul outil, de creuser un trou d’au moins un mètre de profondeur (nous agissons sur environ 80 cm du manteau neigeux lorsque l’on ski) et de regarder quelle sorte de couche neigeuse on peut y trouver. L’idéal reste de creuser jusqu’au sol, ou sur 3 mètres lorsque cela n’est pas possible, mais la majorité des pratiquants préfèrent alors ne rien faire, ce qui n’est pas ce que l’on souhaite. On va ensuite délimiter une zone de test, 40 cm x 2 m suffisent. On va ensuite délimiter une première colonne carré de 40 cm x 40 cm x Hauteur choisi. En tapant avec notre pelle dessus, on voit si il y a glissement des couches supérieures sur la couche fragile ou non. On peut répéter l’opération plusieurs fois afin de “confirmer ou d’infirmer” le résultat. Je ne parle volontairement pas d’un protocole plus “scientifique” ici, car on pourrait alors penser pouvoir en tirer un résultat précis : ce n’est pas le cas, nous avons uniquement un résultat pour cette zone précise à cet instant de la journée.
De quel matériel avons-nous besoin ?
Comme mentionné plus haut, une simple pelle à neige suffit. Bien sûr, une scie peut nous faciliter la vie, et faire un travail plus propre, mais elle n’est pas indispensable. Et oui, les scies à neige sont plus pratiques, car elles sont plus facile à transporter. Si vous voulez vous exercer sans acquérir une scie à neige, une scie à bois fait amplement l’affaire.
Interpréter et utiliser l’information reçue à partir d’un profil de neige pour évaluer le facteur de risque. Comment le faire ?
Quand nous faisons un profil, nous regardons principalement 2 choses : l’épaisseur et la profondeur de la/des couche(s) fragile(s). Identifier tous les types de grains que l’on peut y voir est intéressant mais pas indispensable. Évidemment, pour savoir identifier une couche fragile, il faut avoir un minimum de connaissances en cristaux de neige afin d’identifier des gobelets, des faces planes, croûtes de regel ou givre. Cela nous permettra d’évaluer si on risque de voir ces couches sur une grande surface ou si c’est un phénomène plus local ou plus temporel.
L’épaisseur va nous permettre de savoir si nous avons des grandes chances ou non de voir cette couche continue dans le manteau neigeux, ce qui sera synonyme de risque de propagation important.
La profondeur, elle, nous permettra d’estimer si on a un risque de toucher ou non cette couche fragile. Encore une fois, il s’agit ici d’estimation pour une zone basée sur l’observation d’un lieu précis, ce qui rend l’exercice on ne peut plus incertain.
Quels sont les trois principaux éléments que nous pouvons observer dans un profil du manteau neigeux et lesquels devraient nous attirer l’attention?
Si on devait retenir 3 éléments ce serait :
- une présence de couche fragile proche de la surface : cela veut dire que l’on a de très fortes chances de la toucher
- une couche fragile très épaisse : elle impliquerait un risque majeur d’avalanche de grande ampleur
- un nombre important de couches fragiles : nous aurions donc de fortes chances d’en impacter une.
Comment éviter l’erreur principale des pratiquants de sports d’hiver hors-piste lorsqu’ils étudient un profil du manteau neigeux ?
L’erreur la plus courante est de penser que ce test peut nous mettre à l’abri de tous les dangers. Comme je l’ai déjà répété de nombreuses fois, il s’agit d’un test local à un instant donné, qui nous donne une idée de ce que l’on pourrait voir sur une zone plus large et au cours de la journée, mais il n’est qu’un outils, et non la vérité absolue.
Le terrain n’étant jamais exactement le même, il suffit d’une butte, un caillou, un arbuste … invisible sous la surface de la neige pour en faire varier l’épaisseur du manteau neigeux par exemple. De plus, la consistance et la qualité de la neige évoluent sans cesse.
Comment apprendre à faire un test de stabilité de la neige ?
Le mieux reste de se former auprès des associations spécialisées et des professionnels. Ils pourront en plus vous apporter d’autres éléments dans votre prise de décision.
Ensuite, il faut en faire régulièrement, car il s’agit d’y acquérir de l’expérience, qui vous donnera une meilleure connaissance du manteau neigeux. Et comme le manteau neigeux évolue en permanence, plus vous aurez d’expérience, plus vous serez à même d’interpréter les signes que vous voyez.
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